L’état du cénotaphe

Pourquoi restaurer un monument qui, a première vue, est satisfaisant du point de vue structurel ? Il est vrai que le cénotaphe de Montaigne ne fait l’objet d’aucune fissure ou cassure. Mais les nombreuses successions d’interventions et malheureux événements qu’il a subi sont pourtant bien visibles à la surface d’une pierre témoignant d’une vie mouvementée.

Cénotaphe de Montaigne. Photo Léo Fievet, mairie de Bordeaux

Cénotaphe de Montaigne. Photo Léo Fievet, mairie de Bordeaux


D’après le restaurateur Jean Delivré, les principales altérations du monument ont été faites bien avant la mise en place du cénotaphe dans le musée. Les multiples transferts du monument au cours des siècles ont occasionné à l’œuvre quelques dégâts, en plus d’avoir été exposé aux travaux dans la chapelle et à l’incendie de 1871. Ainsi le nez et les doigts du gisant auraient été volontairement mutilés avant la restauration de 1803. Et, le lion a été remplacé, car volé dans les années 1980.

Cénotaphe de Montaigne

Cénotaphe de Montaigne. Détail. Photo : Léo Fievet – mairie de Bordeaux

Des interventions multiples ont été pratiquées sur le cénotaphe à partir du XIXe siècle. Elles sont de piètre qualité, notamment au niveau des raccords sur les éléments décoratifs du cénotaphe, fait de médiocre plâtre blanc, très visible, donc peu esthétique. Les autres interventions, ultérieures, sont toutes réalisées en plâtre ou équivalent, pour de petits bouchages de cavités, des ragréages de joints soit d’appareillage, soit de sculptures comme pour les têtes de mort ou les visages des pleureuses. Ces raccords sont eux aussi de très mauvaise qualité. Certaines reconstitutions en plâtre des parties manquantes sont très insatisfaisantes, comme la dentition de la tête de mort, et des parties du visage de la pleureuse.

 Lors de l’observation de l’état du monument, le restaurateur a également constaté des traces de piquetages au niveau du heaume (le casque) et sur le côté gauche, près des pieds du gisant. En effet, au cours de l’histoire, le cénotaphe a changé de nombreuses fois de disposition : par exemple, lorsqu’il était contre un mur, il était plus logique de repositionner le plus d’éléments possible du côté visible par le visiteur. Il aurait ainsi été démonté et remonté au moins sept fois en 400 ans ! D’où l’hypothèse que le lion situé aux pieds du gisant aurait pu être déplacé de sa place initiale, supposée être à la tête du gisant, ou encore que Montaigne n’aurait pas toujours été positionné dans son sens actuel. « Nous ne sommes en rien sûrs que la disposition actuelle est celle, d’origine, autant pour chaque assise par rapport aux autres que pour les éléments sculptés se trouvant sur la dalle, gisant compris » affirme Jean Delivré.

Cénotaphe de Montaigne

Cénotaphe de Montaigne. Détail. Photo : Léo Fievet – mairie de Bordeaux

La pierre, quant à elle, est en très bon état, bien que tenacement encrassée à de nombreux endroits. Un léger dépôt est également visible sur le dessous de la moulure de la dalle et témoignerait ainsi d’une potentielle exposition du monument à l’extérieur pendant quelques années, probablement après l’incendie de la chapelle des Feuillants en 1871. 

 

La structure du cénotaphe

Le cénotaphe se décompose en cinq parties, la plus basse, le soubassement, étant moderne. Posé sur la dalle, le gisant est entouré de quatre pièces indépendantes scellées sommairement au plâtre : un lion situé aux pieds refait, deux gantelets sur les côté et le heaume au sommet. Comme ces éléments, la dalle, la cuve entourée de part et d’autre d’inscriptions en latin et en grec ainsi que le support de la cuve sont d’origine.

Les matériaux et la taille

Ce monument funéraire n’est pas entièrement en marbre, la structure et certains éléments sont en calcaire, la pierre utilisée serait de la pierre de Taillebourg, une pierre calcaire de la région, mais seules des analyses pétrographiques pourraient confirmer cette donnée. Le marbre a été utilisé pour les éléments ajoutés a posteriori. Les plaques rectangulaires situées de part et d’autre du cénotaphe, présentent des inscriptions grecque et latine, sont en marbre noir. Quant aux plaques ovales, qui informent des restaurations effectuées en 1803 et 1886, elles sont en marbre foncé veiné rouge.

Cénotaphe de Montaigne.

Cénotaphe de Montaigne, détail des plaques ovales. Photo : Léo Fievet – mairie de Bordeaux

 

C’est donc l’aspect du cénotaphe « extrêmement chaotique et peu agréable à voir » qui fait de cette restauration prévue pour l’automne 2017 une nécessité.

D’après le rapport de Jean Delivré, conservateur-restaurateur, pour le musée d’Aquitaine.

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