Avez-vous remarqué ces quatre petits médaillons de marbre rouge, rédigés en latin, qui ornent le cénotaphe de Michel de Montaigne ? Loin d’être anecdotiques, ils apportent des informations complémentaires quant à son édification, notamment sur les personnes qui ont contribué à ériger ou restaurer le monument.

Situés de part et d’autre du monument, en duo, ils encadrent les armoiries de Montaigne juste en dessous des épitaphes et les mettent en valeur en leur offrant une assise.

Ces médaillons ajoutés a posteriori,  ne datent pas tous de la même époque et n’ont pas été commandés par les mêmes personnes.

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Cénotaphe de Montaigne, emplacement des médaillons. Photo : Léo Fievet, mairie de Bordeaux

 

Les premiers médaillons

Les deux médaillons les plus anciens sont ceux qui entourent l’épitaphe écrite en latin. Ils complètent le texte en y ajoutant quelques précisions.

Cénotaphe de Montaigne, détail de l'épitaphe grecque entourée de deux médaillons, photo : Léo Fievet, mairie de Bordeaux

Cénotaphe de Montaigne, détail de l’épitaphe grecque entourée de deux médaillons, photo : Léo Fievet, mairie de Bordeaux

L’un des médaillons rappelle la date de la mort de Montaigne et l’âge qu’il avait : « Il vécut 59 ans 7 mois et 11 jours, il mourut l’an de grâce 1592 aux ides de septembre ». 

L’autre évoque le deuil de l’épouse de Montaigne : « Françoise de la Chassaigne, laissée en proie hélas à un deuil perpétuel, a érigé ce monument à la demande de ce mari regrettable et regretté. Il n’eut pas d’autres épouses ; elle n’aura pas d’autres époux. »

Cénotaphe de Montaigne, détail, médaillon, photo : Léo Fievet, mairie de Bordeaux

Cénotaphe de Montaigne, détail, médaillon, photo : Léo Fievet, mairie de Bordeaux

Par cette inscription, Françoise de la Chassaigne reste associée à Montaigne pour l’éternité.

 

 

 

 

Les bienfaiteurs du cénotaphe

Quant aux deux médaillons encerclant l’épitaphe grecque, ils nous informent sur deux des restaurations que le monument a reçues et saluent ainsi la participation de ces personnes à sa pérennisation.

Cénotaphe de Montaigne, détail, médaillon, musée d'Aquitaine

Cénotaphe de Montaigne, détail, médaillon photo : Léo Fievet, mairie de Bordeaux

La première restauration est commanditée par l’arrière-petit-fils de Montaigne, Joseph de Montaigne en 1803, comme l’indique l’inscription :

« Joseph de Montaigne, arrière-petit-fils de Michel de Montaigne, restaura ce monument en l’an du Seigneur 1803. »

En 1803, la sépulture de Montaigne se trouve alors au musée de la Société des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux depuis dix ans, mais un bruit court et semble dire que le corps conservé au musée n’est pas celui de Montaigne ! L’arrière-petit-filsde Montaigne, informé de cette méprise, demande à la ville d’honorer la mémoire de son oncle en réparant l’erreur commise. C’est ainsi que le corps et le cénotaphe de Montaigne retrouvent leur place sur les lieux de l’ancien couvent des Feuillants, devenu alors le Collège Royal. Joseph de Montaigne en profite alors pour restaurer le tombeau.

La seconde restauration est réalisée par la Ville de Bordeaux en 1886 :

« La Ville de Bordeaux (le) restaura pour la deuxième fois et restitua les cendres en l’an du Seigneur 1886. »

Cénotaphe de Montaigne, détail de l'épitaphe grecque entourée de deux médaillons, photo : Léo Fievet, mairie de Bordeaux

Cénotaphe de Montaigne, détail, médaillon photo : Léo Fievet, mairie de Bordeaux

Au milieu du XIXe siècle, suite à de nombreux déplacements, le cénotaphe se trouve au Lycée de Bordeaux, nouvel édifice qui a pris la place du couvent des Feuillants. Un incident va pourtant le ravager : c’est à cette époque que le monument subit de nombreux dégâts, entre l’incendie et les mutilations de quelques étudiants indélicats… Le monument est sensiblement dégradé et doit à nouveau être restauré.

En 1871, on décide de construire à cet emplacement, de nouveau libre, la Faculté des sciences et des lettres de Bordeaux. C’est à cette occasion que le cénotaphe est encore une fois restauré pour trouver bonne place en ce lieu qu’il a finalement toujours côtoyé. Quelques temps avant l’inauguration du nouvel édifice, le corps et le cénotaphe de Montaigne sont solennellement transférés à la faculté, respectivement dans les sous-sols – où s’érige une caveau- et dans le hall d’entrée.

Ces inscriptions sont purement informatives, néanmoins elles évoquent les grandes étapes de la vie du cénotaphe et témoignent aussi de la reconnaissance portée par sa femme, son arrière-petit-fils, puis par la Ville de Bordeaux envers l’homme que fut Michel de Montaigne.

 

Source :

– Jean-Yves Boscher, Les pérégrinations du cénotaphe et des cendres de Montaigne, tapuscrit, centre de documentation du musée d’Aquitaine.
– A. Nicolaï, « L’odyssée des cendres de Montaigne », Bulletin de la Société des Amis de Montaigne, vol.15, 1949-52, p.31

Commentaires

  1. Thierry Depaulis

    « Neveu de Montaigne » en 1803??
    Il suffit de lire l’inscription latine: Joseph de Montaigne est qualifié de « abnepos » (« arrière-petit-fils »).
    En fait, ce Joseph est un lointain descendant de… l’oncle de Montaigne, Raymond (c.1513-1563).
    Voir Théophile Malvezin, Michel de Montaigne : son origine, sa famille, Bx, 1875

  2. museeaq

    Merci Thierry de votre remarque, il s’agit d’un report d’erreur malheureux. Vous avez complètement raison ! C’est corrigé bien sûr dans l’article.

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