Savez-vous que le cénotaphe de Montaigne n’est pas un tombeau ?

Le monument de Montaigne n’est pas, à proprement parler, un tombeau : il s’agit bien d’un monument funéraire mais sans sa dépouille… il convient donc de l’appeler cénotaphe.

Le mot cénotaphe, qui vient du grec « kenotaphion »  (κενοτάϕιον), signifie littéralement le « tombeau vide » : c’est un monument élevé à la gloire du mort mais qui ne contient pas son corps ou ses cendres. Montaigne en est un exemple remarquable, classé au titre des monuments historiques depuis 1862.

Cénotaphe de Montaigne. Photo Léo Fievet, mairie de Bordeaux

Cénotaphe de Montaigne. Photo Léo Fievet, mairie de Bordeaux

 

Orant du Maréchal d'Ornano, marbre, vers 1610. Photo mairie de Bordeaux

Orant du Maréchal d’Ornano, marbre, vers 1610. Photo mairie de Bordeaux

Pour préciser encore la description, Montaigne est ici représenté en gisant. Allongé, les mains jointes, il diffère de l’orant, autre type courant de représentation funéraire, dont vous pouvez voir, au musée d’Aquitaine, un exemple connu en la figure du Maréchal d’Ornano (un des successeurs de Montaigne à la mairie de Bordeaux de 1599 à 1610).

Le cénotaphe de Montaigne a été commandé à partir de 1593, un an après sa mort, par Françoise de la Chassaigne, son épouse. Ce monument imposant (2, 33 m de long sur 1,58 m de haut) est vraisemblablement l’œuvre de deux ornemanistes bordelais, Pierre Prieur et Jacques Guillermain, ou peut-être du maître maçon Louis Baradier, qui travailla à plusieurs reprises pour les moines Feuillants de Bordeaux qui accueillirent dans leur couvent la chapelle funéraire de Montaigne.

Où se trouve le corps, vous demanderez-vous ?

En ce début d’année 1593, les religieux des Feuillants acceptent l’inhumation de Montaigne dans leur église, édifiée à la fin du Moyen Âge à l’emplacement de l’actuel musée d’Aquitaine. Ils autorisent Françoise de la Chassaigne à « dresser et ériger un sepulchre » au-dessus du caveau. Le cœur de Montaigne est, quant à lui, placé dans l’église du village de Montaigne, en Dordogne, aux côtés des restes de son père. Quand la Faculté des sciences et des lettres de Bordeaux est construite sur les vestiges de l’ancien couvent en 1885, un caveau est prévu dans le sous-sol pour accueillir les ossements de Montaigne. L’accès en a depuis été bouché. Jamais ouvert, le mystère reste donc entier !