Vanités des vanités, tout n’est que vanité

En cette période d’Halloween, fête qui célèbre les morts, examinons plus attentivement les vanités apparentes sur le cénotaphe de Montaigne, censées nous rappeler à tous notre condition d’humble mortel…

Cénotaphe de Montaigne.

Cénotaphe de Montaigne.

 

On peut apercevoir, sculptées de chaque coté du monument, quatre têtes de mort ailées portant une couronne de laurier. Ces têtes de mort, symbolisant la mort, étaient utilisées dans l’iconographie pour rappeler que nous sommes mortels. Une manière de prendre conscience de sa mortalité, pour pouvoir profiter pleinement de la vie. Et Montaigne aimait assurément la vie ; la seule et unique crainte qu’il ait connue est celle de la mort. Ici, sur le cénotaphe, ces crânes sont les seuls éléments évoquant directement la mort avec les pleureuses.

Je sens la mort qui me pince continuellement la gorge, ou les reins

Cénotaphe de Montaigne

Cénotaphe de Montaigne

La réflexion sur la mort était un thème très important pour le philosophe. Dans les Essais, il consacre un chapitre entier à ses réflexions sur les vanités de l’être humain, appelé sobrement « De la vanité », dans lequel il « dénonce les multiples manifestations de l’orgueil humain ». Montaigne y fait l’autoportrait de son moi par des confidences sur sa personne, ses goûts, ses humeurs, son écriture et ses habitudes au point que l’expérience personnelle de l’auteur prend le pas sur les fréquentes citations livresques.
Il ne s’agit pas seulement de l’évocation du thème de la mort, mais de sa mort en particulier : un sujet sensible, qui est laissé en suspens pendant plusieurs pages, avant d’être soigneusement médité.
Par ce rapport réflexif à l’idée de la mort, il s’y éduque, s’y accoutume, s’y prépare grâce à une étude des vanités se constituant d’expérience en expérience et de réflexion en réflexion.

 

La plus volontaire mort est la plus belle

En explorant et développant des réflexions sur le monde et sur soi, il invitait ses lecteurs à entreprendre la même voie. Montaigne aborde la question de la préparation à la mort par l’exercice philosophique permettant de chercher la vérité, l’élévation de l’âme au-dessus de la sphère sensible. Ainsi, le sage n’a pas peur de mourir. Pour lui, la mort est inévitable, et il ne sert à rien, d’abord de s’en inquiéter sans cesse, ensuite, de se laisser aller à un orgueil déplacé.

Cénotaphe de Montaigne

Cénotaphe de Montaigne

Prendre conscience de cela, c’est pour Montaigne le premier pas pour pouvoir vivre heureux et profiter pleinement des plaisirs de la vie. Il rappelle très justement que l’on ne peut, de toute façon, échapper à toutes nos vanités. Nous ne pouvons nous empêcher de trouver certaines choses belles, ni de nous divertir, ni travailler à quelques ouvrages. Ayons conscience de cela, de notre condition, de notre inévitable orgueil face à certaines choses de la vie. Rendons-nous en compte pour mieux chasser une suffisance malvenue, et mieux profiter du reste !
Apprenons donc à mourir avec Montaigne et regardons ce cénotaphe avec un nouveau regard. Suivons alors son exemple, et sachons mourir comme il se doit !

 

Sources :

Stefan Zweig, Montaigne, Quadrige, PUF, 1982 (1e édition)
Luigi Delia, La conscience de la vanité chez Montaigne, Sciences Humaines Combinées [en ligne], Numéro 1 – L’Ephémère, 23 octobre 2007.

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