La vie de Montaigne fut mouvementée, gardons-nous de l’imaginer en penseur cloîtré dans sa bibliothèque ! Il joua bien au contraire un rôle considérable dans la ville de Bordeaux, où il y passa une grande partie de sa vie et dont il fut le maire à deux reprises.
Une formation bordelaise d’excellence
Après ses premières années en nourrice au château de famille en Dordogne, son père le reprit auprès de lui et il fit l’apprentissage du latin avec un précepteur allemand. Vers 1539, Michel de Montaigne fut scolarisé au Collège de Guyenne, à quelques pas de la maison familiale à Bordeaux, sise au 23 rue de Rousselle. Ses parents, Antoinette Lopez de Villanueva et Pierre Eyquem de Montaigne, se consacraient au commerce de vins et de plantes tinctoriales. Ils vécurent dans cette maison dès 1519 et jusqu’en 1568, année du décès de Pierre Eyquem. Quant à Michel de Montaigne, il y habita jusqu’en 1570, date à laquelle il démissionna de sa charge de conseiller au Parlement de Bordeaux.
Haut lieu de l’humanisme bordelais, le Collège était réputé pour former la jeunesse dorée qui participait au rayonnement de la ville. Le jeune Montaigne y eut pour professeurs les humanistes les plus éminents, Nicolas de Grouchy, l’Ecossais George Buchanan et Marc-Antoine de Muret. L’établissement se situait dans la rue de Guienne, derrière l’ancien Hôtel de Ville dont demeure aujourd’hui un unique vestige, le beffroi, plus communément nommé la Grosse Cloche.
Le musée d’Aquitaine conserve un linteau provenant de la porte d’entrée du Collège de Guyenne. Chaque élève franchissant le seuil était invité à lire et méditer cette inscription latine, gravée en capitales sur la pierre, qui l’incitait à honorer la ville et la cité de Bordeaux.
Son cursus achevé au collège, Montaigne poursuivit à l’université, peut-être étudiant en droit à Toulouse, mais plus sûrement à Paris, pour l’incontournable « grand voyage initiatique dans la capitale » !
La vie publique entre honneur et discrétion
Le jeune homme, alors âgé d’une vingtaine d’années, revient à Bordeaux et entame un cursus professionnel à la cour des aides de Périgueux. Deux ans plus tard, il est conseiller au Parlement de Bordeaux. En 1554, il y rencontre Etienne de la Boétie, avec qui il lie une profonde amitié.
Montaigne revient dans le château paternel pour s’y marier, le 22 septembre 1565, et y établir son domicile conjugal. On dit d’ailleurs que sa femme, Françoise de la Chassaigne, et lui y vécurent les cinq meilleures années de leur mariage !
Montaigne est déjà une personnalité reconnue à Bordeaux. Fin connaisseur de la région et des clivages du Parlement, il est élu maire de la ville en 1581… contre son gré ! Montaigne se trouve en voyage à Lucques quand il apprend la nouvelle ; mais pas question d’interrompre le voyage ! Seul un ordre expresse du roi Henri III le contraindra à abréger son périple.
« Messieurs de Bordeaux m’élurent maire de leur ville alors que j’étais éloigné de la France et encore plus éloigné d’un tel pensement. Je m’en excusai, mais on m’apprit que j’avais tort, le commandement du roi intervenant aussi en l’affaire. » (Essais, III, 10)
Sincère et modeste avec ses concitoyens, il se consacre consciencieusement à sa tâche mais sans s’y dévouer corps et âme comme son père. Les premières années sont calmes, mais de nombreuses difficultés surgissent lors de son second mandat, qui débute en 1583. Lucide et diplomate, Montaigne parvient à faire régner l’harmonie à Bordeaux, lors d’une période troublée par les guerres de religion.
À la fin de son second mandat, en 1585, Bordeaux et sa région sont ravagées par la peste. Montaigne choisit de se tenir éloigné de Bordeaux et n’assiste pas à la cérémonie d’installation de son successeur. En 1589, retiré dans son domaine, il entame sa dernière grande campagne de rédaction des Essais en corrigeant et ajoutant abondamment sa précédente édition, jusqu’à sa mort, le 13 septembre 1592.
Montaigne aujourd’hui
A l’automne, Bordeaux consacre à la mémoire de cet homme illustre de nombreuses manifestations : la Bibliothèque Municipale redécouvre Montaigne à l’ère du vingt-et-unième siècle et le musée d’Aquitaine fait vivre son souvenir en lançant le projet de restauration de son monument funéraire.
Sources :
Antoine Compagnon, « Montaigne aujourd’hui », Le magazine littéraire, n°464, mai 2007.
René Forton, « La Maison familiale de Michel de Montaigne à Bordeaux », Bulletin de la Société Archéologique de Bordeaux, 1931.
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