Patrick Della Libera est chargé du patrimoine monumental et mobilier de la ville de Bordeaux, depuis 5 ans au sein de la Direction de la Création Artistique et du Patrimoine.

Il a en charge la gestion d’un parc immobilier – l’ensemble des édifices, propriété de la ville, qui sont protégés au titre des monuments historiques, ainsi que des édifices cultuels non-protégés – et d’une « collection » de mobiliers, des milliers d’objets principalement liturgiques, dont l’inventaire est mené par sa collègue Anne Guérin, conservatrice en chef du patrimoine.

cénotaphe Michel de Montaigne (détail inscription)

Cénotaphe de Michel de Montaigne, musée d’Aquitaine. Photo : Léo Fievet – mairie de Bordeaux

Comment est né le projet de restauration du monument de Montaigne ?

Le projet est né au sein du musée d’Aquitaine. L’équipe de conservation souhaitait valoriser le monument dans le cadre d’une nouvelle muséographie et d’une remise en état du monument. Cet objet présenté au musée d’Aquitaine est protégé au titre des monuments historiques. Sa conservation est donc d’intérêt public, il est soumis au contrôle scientifique et technique des services de l’Etat – DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles).

 

Détail du cénotaphe de Montaigne, musée d'Aquitaine. Photo : Léo Fievet - mairie de Bordeaux

Détail du cénotaphe de Montaigne, musée d’Aquitaine. Photo : Léo Fievet – mairie de Bordeaux

Quelles sont les étapes du déroulement de la restauration ?

Première étape : Diagnostic

Pour permettre de définir de la manière la plus fine le programme de restauration d’une œuvre, il est nécessaire de la comprendre. Pour ce faire il faut procéder à un diagnostic qui va permettre de prendre connaissance de l’objet et de son histoire. D’étudier ses pathologies pour y apporter les remèdes. Ce diagnostic peut être réalisé en interne ou bien externalisé. Dans le cas du cénotaphe de Montaigne, cette mission a été confiée à monsieur Jean Délivré, restaurateur.

Deuxième étape : Autorisation de travaux

De part son statut juridique (classement au titre des monuments historiques) toute intervention sur cet objet est soumise à une demande d’autorisation auprès de l’Etat (DRAC-CRMH). Le service des monuments historiques est l’un des premiers services à avoir fait du « développement durable ». Sa mission, depuis 1830, est de transmettre les chefs d’œuvre de l’humanité aux générations futures. Il est un interlocuteur privilégié des propriétaires, il les conseille et les accompagne dans leur démarche de conservation de leur patrimoine.

Troisième étape: la mise en place des financements et la mise en concurrence des restaurateurs

La restauration du cénotaphe sera prise en compte sur le budget municipal 2017. La Ville sera accompagnée par l’Etat. En effet, le Ministère de la culture dans le cadre de la conservation des monuments historiques a une enveloppe de crédits dédiée pour aider les propriétaires – privés ou publics -, à intervenir sur leur patrimoine. Qu’il s’agisse de mobilier ou d’immobilier. Les taux varient en fonction de l’état de l’objet à restaurer : selon le code du patrimoine, l’Etat est libre de choisir son taux, en fonction de la nature des travaux. La souscription ouverte par le musée d’Aquitaine viendra compléter le financement de la restauration.

Quatrième étape : envoi du cahier des charges et lancement des travaux

Dans notre cas, la restauration du cénotaphe débutera en septembre 2017 avec une intervention in situ (pour éviter de le déplacer une énième fois !). Normalement, après une restauration, le monument ne peut subir aucune intervention pendant les 50, 70, même 100 années après !

 

Cénotaphe de Montaigne.

Détail du cénotaphe de Montaigne, musée d’Aquitaine. Photo : Léo Fievet – mairie de Bordeaux

De quoi « souffre » précisément Montaigne ?

Le monument a été déplacé à de nombreuses reprises. Ces déplacements ont nécessité des démontages qui ont altéré les éléments moulurés et sculptés, plus fragiles. Les assises ont été malmenées et les joints, refaits à répétition, sont aujourd’hui trop apparents.

Par ces nombreuses manipulations, la pierre est aujourd’hui patinée et salie. Durant sa longue vie, le monument a subi également les dégâts d’un incendie, et pendant un temps sans protection à l’extérieur, ce qui a fortement contribué à son état actuel.

 

Quelle est la nature des interventions prévues ? En quoi consistent-elles ?

Le but de l’intervention, est de parvenir à harmoniser le monument en le nettoyant et en le retouchant. Le travail le plus important sera son nettoyage, quelques mortiers sont également à refaire. L’objectif est d’apaiser les contrastes des anciennes restaurations dont certaines sont peu réussies. Le restaurateur devra avoir un coup de main plus fin.

Différents procédés de nettoyages seront envisagés en fonction des difficultés en solution de base ou en option comme le laser ou la cryogénie, technique plus récente qui consiste à nettoyer par projection avec de la glace carbonique.

 

Le monument de Montaigne tient-il une place particulière dans le patrimoine de la ville de Bordeaux ?

D’une part, Michel de Montaigne est un des grands hommes de Bordeaux. Je rappelle que la valeur universelle exceptionnelle de Bordeaux, port de la lune, bien inscrit sur la liste du Patrimoine mondial par l’UNESCO, s’appuie sur la position avant-gardiste de notre ville dans le mouvement des idées dont Montaigne est une cheville ouvrière. D’autre part, ce monument est reconnu comme une pièce importante du patrimoine national, comme l’indique son classement au titre des monuments historiques.

Au sein du musée d’Aquitaine, le cénotaphe est une pièce majeure qui sert son discours et sa muséographie, il est important de le valoriser ; et donc nécessaire de le conserver et le transmettre aux générations futures.