L’histoire du cénotaphe de Montaigne et de son hypothétique tombeau dans les sous-sols du musée d’Aquitaine pique la curiosité de son nouveau directeur, Laurent Védrine dès sa prise de fonction en octobre 2017.
Il y a quelques jours, et avec toutes les précautions requises, deux petites ouvertures ont été pratiquées dans l’édicule supposé être le caveau de Montaigne. Celui-ci avait été aménagé au XIXe siècle dans le sous-sol de l’actuel musée pour recevoir la dépouille de l’Illustre.
Les observations réalisées à la caméra filaire ont permis d’y constater la présence d’un cercueil en bois avec une plaque en cuivre doré portant le nom de Michel de Montaigne, ainsi que la présence de restes humains.
Une conférence de presse a été donnée ce matin en présence du maire, Alain Juppé, de son adjoint, Fabien Robert, du directeur régional des affaires culturelles, Arnaud Littardi et du directeur du musée, Laurent Védrine, afin d’annoncer la nouvelle à la presse.
Que savons-nous de ce caveau et des multiples translations des restes de Montaigne ?
En 1592, Michel de Montaigne décède en son château de Saint-Michel-de-Montaigne, en Dordogne.
En 1593, le cercueil est installé dans la chapelle du couvent des Feuillants à Bordeaux, à l’emplacement du musée d’Aquitaine ;
En 1603 le cénotaphe et le cercueil sont installés dans l’église rénovée des Feuillants ;
En 1802, le couvent des Feuillants est remplacé par le lycée ; le cénotaphe et le cercueil sont alors installés dans la chapelle du lycée, qui est incendiée en 1871 ;
Les restes de Montaigne sont provisoirement transportés au dépositoire du cimetière de la Chartreuse ;
En 1886, les restes sont une nouvelle fois déplacés dans la nouvelle faculté des lettres et des sciences dont on achève la construction, à l’emplacement de l’ancien couvent des Feuillants. Le tombeau réalisé par l’architecte Charles Durand pour le compte de la Ville de Bordeaux est alors placé presque à l’aplomb du cénotaphe, qui lui-même est installé dans le hall de la faculté ;
Depuis cette date le tombeau n’a jamais été ouvert et la mémoire de la présence du corps de Michel de Montaigne s’est progressivement estompée.
Lancement d’une étude archéologique, anthropologique et historique autour de ce tombeau
Le musée d’Aquitaine propose aujourd’hui de mener à bien des recherches archéologiques permettant une bonne compréhension de ce tombeau. Est-il antérieur à la construction de la faculté ? Quelles sont la où les personnes qui sont inhumées dans ce tombeau ? S’agit-il de Michel de Montaigne ? Est-ce que le faisceau d’indices relatifs au tombeau de Michel de Montaigne seront confirmés ou infirmés ?
Plus globalement cette investigation permettra de connaître l’histoire du site et de ses différents occupants (couvent des Antonins, couvent des Feuillants, section révolutionnaire Michel de Montaigne, lycée, université, siège de la communauté d’agglomération et musée). La permanence de Michel de Montaigne est une véritable épine dorsale historique et symbolique de ce lieu durant plus de 400 ans. Ses différents habitants avec des usages et des fonctions très diverses (religieux, révolutionnaires, universitaires, conservateurs de musée) se revendiquent de Montaigne comme humaniste, progressiste, modéré, penseur, écrivain, un homme dont la pensée et l’action sont sans cesse d’actualité.
Ces recherches archéologiques pourraient être menées dans le cadre d’un projet piloté par le musée d’Aquitaine en partenariat avec le centre archéologique de Bordeaux Métropole. Une demande d’autorisation de fouilles programmées sera faite auprès du service régional d’archéologie de la DRAC Nouvelle Aquitaine. Une recherche des descendant de la famille de Montaigne est également en cours. Enfin, la constitution d’un comité de pilotage et d’un comité scientifique (composé d’historiens, d’archéologues et d’anthropologues) seront nécessaires à l’accompagnement des différentes phases de cette investigation archéologique qui durera plus d’une année.
Plus globalement, cette recherche permettra de redonner une histoire et une mémoire à ce tombeau et à ses occupants et de comprendre l’histoire du couvent des Feuillants dont le musée d’Aquitaine possède plusieurs pièces.
Comme le soulignait ce matin le professeur Jean-Bernard Marquette, le cénotaphe de Montaigne est une pièce magistrale des collections : aujourd’hui si l’identification du tombeau est avéré, ce monument retrouvera son âme.
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