Une restauration, cela ne s’improvise pas ! Voici une semaine que les restaurateurs de l’atelier du Rouge Gorge, assistés de Amandine Bely, tailleuse de pierre au musée d’Aquitaine, œuvrent à un premier nettoyage général du cénotaphe de Michel de Montaigne.

Après une phase de tests, qui a conduit à déterminer la bonne solution à appliquer sur l’ensemble du monument pour le nettoyer, la pierre reprend des couleurs et c’est peu de le dire.

Tests et résultats de nettoyage avec différentes solutions sur les écailles de l'armure © S-J Vidal

Tests et résultats de nettoyage sur l’armure avec différentes solutions et différents temps de pose © S-J Vidal

 

Nettoyage des feuilles d’acanthe du soubassement, septembre 2017 © C. Lucotte mairie de Bordeaux

A différents endroits, de manière semble-t-il assez uniforme, le calcaire se révèle être d’une couleur légèrement rosée. Cette teinte peut surprendre de premier abord, mais pour l’heure, l’hypothèse avancée est celle d’une rubéfaction du calcaire dûe à un incendie. Nous savons en effet que le cénotaphe a subi l’épreuve du feu au moins une fois, lorsque’il se trouvait dans l’ancien Lycée de Bordeaux, en 1871.

Et ce n’est que le début de nos surprises : l’entablement sur lequel repose le gisant présente lui-aussi une coloration particulière, différente du reste du monument, comme si une patine lui avait été volontairement appliquée.
Nous tentons ainsi de reconstituer peu à peu l’histoire du monument, complexe et lacunaire.

L’intervention des restaurateurs ne s’arrête pas à un simple nettoyage. Ils entament déjà une dé-restauration des anciennes reprises au plâtre : des joints grossiers et « beurrés » qui ont été réalisés pour ré-assembler le monument lors d’un remontage plutôt récent (au XIXe ou XXe siècle, au regard de la matière qui a été prélevée).
Ces joints très larges passent au milieu des visages des pleureuses et des crânes des vanités. Le dégagement de ce plâtre met au jour certaines parties sculptées, révèle le modelé des figures et montre la finesse de leur exécution, mais aussi des traitements différents de la pierre. Ce qui amène les spécialistes à penser que plusieurs mains ont œuvré à l’exécution du cénotaphe.

Détail d'une pleureuse après extraction d'anciennes reprises au plâtre © S-J Vidal

Détail d’une pleureuse après extraction d’anciennes reprises au plâtre, septembre 2017 © S-J Vidal

Détail d'une pleureuse avant restauration © L. Fievet, mairie de Bordeaux

Détail d’une pleureuse avant restauration en 2016 © L. Fievet, mairie de Bordeaux

 

L’observation minutieuse de la sculpture, rendue possible par la restauration, permet de poser aujourd’hui de nouvelles hypothèses. Nous nous interrogeons par exemple sur la possibilité de l’exécution préalable d’une face (celle avec l’épitaphe grecque) au regard de l’autre (celle avec l’épitaphe latine). Sachant que les éléments constitutifs de l’ensemble ont plusieurs fois changé de place.
L’ensemble des opérations suit donc son cours, avec son lot de surprises et d’interrogations, sous le contrôle attentif du conservateur au musée, des services de la Ville et de l’Etat qui adaptent au jour le jour leurs préconisations et réévaluent le périmètre d’intervention possible sur le monument.

A noter, la salle de Montaigne, où se déroule le chantier, a été spécifiquement aménagée pour rester accessible au public.  Nous vous invitons donc à venir,  sur les jours d’ouverture du musée, à partir de 14h (sous conditions) pour vivre avec nous cette restauration historique !

 

 

Commentaires

  1. Dominique Donadelli

    Bonjour et merci pour ces informations intéressantes qui nous tiennent au courant de la restauration de ce monument assez complexe… Nous viendrons voir cela de plus près, puisqu’il est ouvert au public. A bientôt donc, cordialement.

  2. Charlène

    Incroyable ! Le cénotaphe de Montaigne n’a pas fini de nous dévoiler son lot de surprises !
    On attend la suite avec impatience. Superbe projet, ça donne envie de revenir 🙂

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